Communiste, anarchiste, adepte de la guérilla, compagnon de Jacques Mesrine, braqueur et trafiquant recherché par toutes les polices, puis prof de philosophie… Charlie Bauer était un personnage hors du commun. La légende du banditisme comme de la «révolution» s’est éteinte dimanche soir. Celui qui avait passé 25 ans de sa vie en détention, dont 9 dans les quartiers de haute sécurité (QHS), est décédé dans sa maison de Montargis, dans le Loiret. Charlie Bauer est mort d’une crise cardiaque. Il venait d'être grand-père. Il sera incinéré vendredi. Il avait 68 ans.
Né en 1943, Charlie Bauer est d’ascendance rebelle. Fils de résistants juifs et communistes, il passe par les Jeunesses du Parti, dont il «scissionne», selon son mot, «pour mener des actions
délinquantes criminelles, des actions de guerre sociale» en 1957. Déserteur, Bauer s'était engagé à 15 ans aux côtés du Front de libération nationale (FLN): «On volait des armes, on détournait
des conteneurs sur les plates-formes à Marseille et on les remettait au FLN», expliquait-il dans un entretien accordé à Match en septembre dernier. Dans son quartier natal de l'Estaque, dans le
Nord de Marseille, Bauer joue les Robin des bois et distribue les profits de ses vols et autres cambriolages sur les docks et dans les magasins de vêtements.
Les QHS, son combat
Arrêté 1962, il prend une peine de 20 ans, âge qu'il n'a pas encore. Il en fera 14 avant d’être libéré, mais aura connu là-bas un enfer qui marquera sa vie, le QHS. «Nul ne peut imaginer ce qu’est la torture à l’électricité», confiait-il à notre journaliste. Fort en gueule, il a constamment à faire aux matons qui, pour beaucoup, reviennent d’Algérie. Il avale des lames de rasoir, pour tenter de s’échapper depuis l’infirmerie. Pris dans les égouts de la centrale de Clairvaux, il est, affirme-t-il, passé à tabac et quasi noyé par les gendarmes. Au QHS de Lisieux, il milite pour le droit, qu’il obtient, de pouvoir étudier. Il rencontre ainsi Renée, sa professeure de français dont il aura une fille après sa sortie de prison en 1977.
En liberté conditionnelle, Bauer est un temps proche de Pierre Goldman, avant de s’associer à Jacques Mesrine. Les deux hommes montent des coups, braquent des banques. Charlie assume et revendique cette violence qu’il aimait. Omniprésente. «La tension, les armes, le danger...», disait-il à Match. Des coups qui le mèneront à une nouvelle peine de dix ans de réclusions. Libéré en 1988, il reprend le boulot, mais cette fois armé de verbes. Licencié en philosophie et sociologie, titulaire d’un doctorat d'anthropologie sociale, le tout acquis pendant sa détention, il devient écrivain, enseignant l’histoire du marxisme dans les universités, et donne des conférences sur les prisons.
Jusqu’à la fin de sa vie, Bauer aura milité contre les conditions d’enfermements, notamment celles des QHS - «summum de l'appareil répressif de l'Etat» -, se battant pour l’accès à la télévision, à la lecture, à la presse. Dans son dernier ouvrage, «Le redresseur de clous», cette figure du révolutionnaire romantique, gueule de baroudeur au regard et cheveux sombres, écrit: «Avec 80% de récidives, les prisons n'assurent pas leur rôle de régulateur social, Foucault l'a dit avant moi, la prison n'est pas seulement une privation de liberté, c'est l'éradication de l'individu».
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